``On n`est pas seul puisqu`on est ensemble`` (Michel Hamburger)                                                                                     

                      ''On n'est pas seuls, puisqu'on est ensemble...'' (Michel Hamburger)

                                                                            
       
 
 
Du statut juridique, de la définition juridique et de la protection de l’animal en droit français.

( cet article a été écrit à partir du livre de droit pénal spécialisé Cujas, la plus grande référence en ouvrage de droit pénal, merci à son auteur.)





    Il est souvent compris, et ce à tort par les profanes, que l’animal en droit français n’est considéré que comme un vulgaire ‘’objet’’.

Cette incompréhension vient très certainement de la confusion entre la signification juridique du terme de ‘’meuble’’ et de sa signification vulgaire.
C’est pourquoi, nous l’espérons, cet article éclairera les esprits.



 
Partie I. L’évolution du statut de l’animal dans notre droit interne.

  Le droit français prévoit 3 statuts juridiques principaux qui servent de base : les personnes, les meubles et les immeubles.

Tout ce qui n’est pas personne est meuble ou immeuble.

L’article 516 du code civil dispose que ‘’Tous les biens sont meubles ou immeubles’’.
Le statut juridique est important, car c’est de cette qualification que vont découler les droits et obligations.
La personne physique a seule la personnalité juridique, ce qui signifie que non seulement elle a des droits, mais surtout elle a des obligations (de faire ou ne pas faire).
Les obligations n’incombent pas par définition aux meubles et aux immeubles puisque justement ils n’ont pas la personnalité juridique.

L’article 528 du code civil prévoit que ‘’Sont meubles par nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère’’.
Attention, meuble ne veut pas dire objet !

En effet, ‘’meuble’’ n’est que le statut attribué à l’animal, la définition juridique de l’animal étant expressément prévue à l’article L214-1 du code rural et de la pêche maritime qui dispose que ‘’ Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.’’

Cela n’a pas toujours été, c’est un fait.

Tout comme le statut de la femme n’a pas toujours été égal avec celui de l’homme en droit.
Tout comme les droits successoraux des enfants naturels n’ont pas toujours été les mêmes que ceux des enfants légitimes ou légitimés.
 
  Il fallut en effet attendre le milieu du XIXème siècle pour que l’animal se voient consacrer des droits particuliers, le distinguant de facto d’une simple ‘’chaise ‘’ par exemple.
Jusqu’au milieu du XIX ème siècle, les sévices infligés à un animal n’étaient d’ailleurs punissables que dans la mesure où ils constituaient une atteinte à la propriété, c'est-à-dire, en fait, plus au propriétaire qu’à l’animal lui-même.

Ce n’est en effet qu’avec la loi Grammont que l’on décida à incriminer spécialement le fait de ‘’ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitement envers les animaux domestiques’’

Le Député jacques Delmas de Grammont fit voter le 2 Juillet 1850 par l’Assemblée Nationale Législative, la fameuse loi dite loi Grammont qui punissait d’une amende de un à quinze francs, ainsi que d’une peine de un à cinq jours de prison ‘’les personnes ayant fait subir publiquement des mauvais traitements aux animaux domestiques’’.
Encore faut-il remarquer que si l’animal apparaissait dès lors comme la victime de l’infraction et non plus que comme le préjudice matériel subit par son propriétaire, la loi ne s’assignait cependant pas comme but principal de la protection animale.
Ce souci de protection animale n’était certes pas absent des textes nouveaux, mais il n’y était que secondaire car les mauvais traitements infligés n’étaient punissables que s’ils avaient été publiquement et abusivement commis, de sorte qu’il s’agissait surtout de protéger la moralité publique qui pouvait être atteinte par un spectacle affligeant.
Cette loi Grammont sera complétée par la loi n° 51-461 du 24 avril 1951 qui sera elle-même abrogée par le décret n°5961051 du 7 Septembre 1959 qui sanctionne la cruauté envers les animaux domestiques, y compris dans le cadre privé.

Pour l’anecdote, Jacques Delmas de Grammont était célèbre pour avoir présidé les premières corridas de Bayonne aux côtés de l’Impératrice Eugénie de Montijo alors qu’il était ministre de Napoléon III  (vous y voyez un rapport avec un contemporain vous ?....).
L’évolution ultérieure du droit, notamment avec l’introduction du délit prévu par l’article 453 de l’ancien code pénal, issu d’une loi du 19 Novembre 1963, qui disposait que :
 ‘’ Quiconque aura, sans nécessité, publiquement ou non, exercé des sévices graves ou commis un acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité, sera puni d’une amende de 500 F à 15.000 F et d’un emprisonnement de quinze jours à six mois, ou de l’une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, les peines seront portées au double.

 En cas d’urgence ou de péril, le juge d’instruction pourra décider de confier l’animal, jusqu’au jugement, à une œuvre de protection animale déclarée.
 En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal pourra décider que l’animal sera remis à une ouvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, laquelle pourra librement en disposer.
 Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée.
 Elles ne sont pas applicables non plus aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie (L. 64-690 du 8 juillet 1964)’’.
Cette évolution allait révéler une tendance croissante à protéger l’animal en tant que tel.
Le législateur contemporain y voit un en effet ‘’un être sensible’’ (voir art 9 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et Mr Danti-Juan ‘’les infractions se rapportant à l’animal en tant qu’être sensible’’ dans Revue de droit rural p449, 1989).
 
 Par ailleurs, la communauté internationale, par la voix de l’U.N.E.S.C.O., est même allée jusqu’à élaborer une déclaration des droits de l’animal le 15 octobre 1978, ce qui paraît sous-entendre que ce dernier pourrait être doté d’une personnalité juridique.
 
 Des auteurs ce sont même interrogés ces dernières années sur l’intérêt qu’il y aurait à s’engager dans la voie d’une personnification de l’animal (J.P MARGUENAUD, ‘’l’animal en droit privé’’, publication de la Faculté de droit de Limoges, P.U.F).
 
 Quoiqu’il en soit, cette protection croissante des animaux en tant qu’être sensibles nous paraît interdire désormais à affirmer qu’ils ne sont que des ‘’choses’’.
D’ailleurs, le nouveau code pénal, s’il ne prend pas parti dans le débat sur la personnification, paraît néanmoins se refuser à considérer les bêtes uniquement comme de simples biens susceptibles d’être détériorés ou dégradés (voir J.P MARGENAUD, ‘’l’animal dans le nouveau code pénal et la personnalité juridique des animaux’’, 1995 et 1998).
En effet, les atteintes dirigées contre des animaux figurent désormais dans le Livre V, sorte d’Arche de Noé du nouveau code pénal : meuble, voire immeuble car pouvant être immeuble par destination, aux yeux du droit commun, l’animal est avant tout pour le pénaliste un être vivant, sensible et qui n’est privé ni de sentiment, ni de raison.
Il justifie largement, à ce titre, une protection spécifique des lois répressives.
 
C’est ainsi par ailleurs, que les manuels de droit pénal, distinguent dans leur étude ‘’les atteintes dirigées contre les choses’’ des atteintes dirigées contre les animaux’’.


 
 PARTIE II : DES ATTEINTES A L’INTEGRITE DE L’ANIMAL.


    C’est donc initialement la loi Grammont du 2 Juillet 1850 qui incrimina pour la première fois le fait de ‘’ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques’’.

L’atteinte portée à l’intégrité d’une bête qui n’était punissable jusque là que dans la mesure où elle constituait une infraction contre la propriété, faisait ainsi désormais l’objet d’une incrimination spécifique.
 
 Nous allons ainsi traiter des trois cas de délits prévus et réprimés par le code pénal.
Le code de procédure pénal disposant d’ailleurs que c’est uniquement dans le cadre de ces 3 infractions que toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans au moment des faits et ayant comme objet statutaire la défense et la protection des animaux, se voit reconnaître les mêmes droits conférés aux parties civiles à un procès (article 2-13 du code de procédure pénale).
 
 §1. Les sévices ou actes de cruauté.


Les dispositions concernant les animaux se trouvent dans les articles 521-1 et 521-2 du code pénal.
  1. Les composantes de l’infraction de ‘’sévices ou actes de cruauté sur les animaux’’.
  1. Les conditions préalables.
Les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, ainsi que de façon générale toutes les infractions dirigées contre les animaux et définies par le code pénal, ont en commun une condition préalable.
Ces infractions ne se conçoivent en effet qu’à l’égard d’un ‘’animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité’’.

Les actes dirigés contre un animal sauvage n’entrent ainsi pas dans les prévisions du législateur principalement pour 2 raisons :

-d’une part, parce qu’il convient de pouvoir se défendre en blessant ou en tuant un animal sauvage s’il s’avérait menaçant.
-d’autre part et surtout, parce que l’extension de la répression aux actes dirigés contre des animaux sauvages aboutirait à interdire la chasse qui est dans notre pays une vieille tradition.

La jurisprudence est d’ailleurs nettement marquée par le souci de ne pas compromettre la liberté de chasser.

Nous citerons à titre d’exemple jurisprudentiel un arrêt de la Chambre Criminelle en date du 22 octobre 1980, qui jugea qu’un cerf vivant en totale liberté et qui, chassé à courre, a été mis à mort alors qu’il était cerné par les chiens et qu’il s’était enlisé dans un étang boueux dont il ne pouvait s’échapper, ne doit pas être considéré comme ‘’tenu en captivité’’.

Cette même Chambre considère aussi que des faisans, élevés en enclos et qui ont été ensuite lâchés dans la nature pour y être chassés ne sont pas ‘’des animaux apprivoisés (Crim, 28 février 1981).

En revanche, la Cour de Cassation affirme que la répression est applicable aux actes de cruauté commis envers un chat domestique, même si l’animal en état de divagation, a été rencontré loin des habitations et pouvait être assimilé à un chat haret (Crim, 28 février 1989).
(http://dictionnaire.sensagent.com/chat+haret/fr-fr/)
 
  1. Elément matériel de l’infraction de sévices ou actes de cruauté.
Il convient ici de distinguer la forme principale du délit décrite par l’alinéa 1 de l’article 521-2 du code pénal (Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende), de ses formes dérivées qui sont définies d’une part par l’article 521-1 al 4 et 5 (Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :

- l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal ;
- les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie), et d’autre part l’article 521-2 (Le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat est puni des peines prévues à l'article 521-1).
 
  1. La forme principale de l’infraction de sévices ou acte de cruauté.
 Sous sa  forme principale envisagée par l’article 521-1 al. 1er, le délit suppose que des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou des actes de cruauté aient été infligés publiquement ou non à un animal domestique, domestiqué ou tenu en captivité.

Contrairement à la loi Grammont du 2 juillet 1850 qui ne prévoyait que les mauvais traitements à un animal que publiquement, il n’importe guère que les violences aient été commises sous les yeux du public ou non.

C’est donc bien les violences en elles-mêmes que le législateur incrimine aujourd’hui et non pas le simple spectacle des violences.
 
 Par ailleurs et surtout, en invoquant des ‘’sévices graves ou de nature sexuelle’’ et des ‘’actes de cruauté’’, le législateur entend limiter la répression correctionnelle prévue par l’article 521-1 du code pénal à des violences particulièrement odieuses, révélatrices du plaisir sadique que leur(s) auteur(s) peut trouver en provoquant la souffrance ou la mort.
Il importe peu en conséquence que l’animal ait ou non survécu au traitement cruel qui lui aura été infligé.

La répression trouve matière à s’appliquer dès lors que les actes ou sévices infligés sont marqués par une particulière cruauté.

Quelques éléments jurisprudentiels à cet égard :

-Les agissements en questions peuvent d’abord prendre la forme d’actes positifs tels que le fait pour le propriétaire de chiennes se trouvant dans une cour non hermétiquement close, de tirer de sang froid, depuis sa fenêtre, un coup de carabine qui a blessé gravement, au point que l’animal dut ensuite être achevé, un chien qui avait été attiré par l’une des bêtes en chaleur (Paris, 2 février 1977).

-ou encore le fait de traîner un poney derrière un véhicule sur une longue distance et de l’abandonner grièvement blessé avant de revenir plus tard pour l’achever (Paris, 28 Mars 1990).

-ou encore le fait d’attacher des chiens méchants et de les abattre à coup de carabine (Metz, 13 juin 1990).

-Enfin, il y a encore acte de cruauté dans le fait d’organiser un concours de chiens ratiers qui, dans une cage, mettent à mort des rats capturés sur des décharges publiques et auxquels aucune chance de salut n’était offerte par la fuite (Douai, 5 juillet 1983).

-les actes de cruauté ou sévices graves peuvent par ailleurs consister en une abstention et plus précisément dans le fait de ne pas alimenter les animaux ni leur apporter les soins qui leur sont nécessaires.


Toutefois, de telles abstentions ne peuvent constituer le délit d’acte de cruauté ou de sévices graves que s’il est démontré qu’elles sont volontaires et qu’elles procèdent d’une intention de provoquer la souffrance ou la mort des animaux en question (Crim, 13 Janvier 2004) :

-il en va ainsi lorsqu’il est établi que de nombreux animaux se trouvant chez un éleveur étaient privés de soin, de nourriture et de boisson, que les locaux où ils étaient détenus sans lumière ni nettoyage ni désinfection dégageaient une odeur pestilentielle, que certains étaient soit enchaînés à un radiateur, soit reclus dans des cages trop exigües, que parmi les animaux en vie se trouvaient des cadavres parfois en état de décomposition et que parmi les animaux encore vivants, certains, outre leur maigreur extrême, avaient perdu leur système pileux (Trib Corr Evry, 5 Novembre 1985).

-le délit est également consommé sous une forme passive lorsque le prévenu s’abstient volontairement de fournir à boire et à manger à un cheptel pendant une longue période (Dijon, 27 Avril 1989) ou encore lorsque le prévenu laisse un chien sans soin pendant 48 heures après avoir constaté qu’il avait la gorge arrachée (Paris, 16 Octobre 1998).
 
  1. Les formes dérivées de l’infraction d’acte de cruauté ou de sévices graves.
 Parallèlement à la forme principale de l’infraction définie par l’article 521-1 al.1er, il existe 3 formes dérivées du délit :

-Construction de gallodrome et abandon d’animaux :
.la construction de gallodrome n’a guère d’intérêt et constitue une reprise de l’article 2 de la loi du 8 Juillet 1964 modifiant la loi du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux : il s’agit de la prohibition de toute création d’un nouveau gallodrome (art.521-1, al.’4 du code pénal).

.l’abandon d’un animal : cette infraction constitue la reprise de l’article 13-1 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 : il s’agit de l’abandon d’un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement (art.521-1, al.5). Il semble que cette forme du délit ne soit constituée que si l’agent de l’infraction a manifesté l’intention de se séparer définitivement de  l’animal en l’abandonnant par exemple loin de l’endroit où il est habituellement alimenté.

.La vivisection : cette 3ème forme dérivée du délit d’acte de cruauté et de sévices graves est définie par l’article 521-2 du code pénal (Le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat est puni des peines prévues à l'article 521-1).

En vertu de ces textes, le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat est puni des peines prévues par l’article 521-1 du code pénal.
 
  1. L’élément moral de l’infraction d’acte de cruauté et de sévices graves.
 Les sévices graves ou de nature sexuelle et les actes de cruauté envers un animal ainsi que les formes dérivées (construction de gallodrome, abandon d’animal et vivisection) correspondent à un délit intentionnel.

Les juges semblent même considérer que les violences et cruautés volontairement infligées aux animaux doivent être révélatrices d’une intention de faire souffrir ces derniers et répondre ainsi aux désirs sadiques de leur auteur.
Il en résulte que toutes les fois que ces dispositions d’esprit ne sont pas caractérisées, la qualification correctionnelle doit être délaissée et céder éventuellement la place à la qualification de mauvais traitement (en toute hypothèse, il est impossible de retenir cumulativement le délit et la contravention puisque les 2 incriminations protègent la même valeur, la nuance se situant uniquement dans l’état d’esprit du prévenu, Crim, 4 février 1998).

Ainsi le délit n’est pas réalisé par le seul fait de laisser des animaux dans un pré sans nourriture ni abreuvement s’il n’est pas démontré qu’il y a eu intention de faire souffrir les bêtes concernées (Crim, 23 janvier 1989).

Il en est de même pour le propriétaire d’une jument âgée et qui se refuse à lui donner la mort alors qu’elle est moribonde (Trib pol de Bordeaux, 20 février 1984).

Enfin, le délit n’est pas davantage constitué dans l’hypothèse d’un policier qui donne un coup de pied à un Saint-bernard qui se bat avec un autre tenu en laisse, dès lors que cet acte est mesuré et nécessaire (Aix-en-Provence, 15 février 1989).

Les juges du Fond doivent donc clairement faire apparaître dans leurs motivations les éléments démontrant le désir de faire souffrir l’animal.
Tel n’est pas le cas s’ils se bornent à renvoyer au certificat établit par le vétérinaire, quand bien-même ils le qualifieraient d’éloquent (Crim, 13 Janvier 2004).
 

  1. La répression de l’infraction d’acte de cruauté et sévices graves.
  1. La procédure.
L’article 2-13 du code de procédure pénale autorise expressément les associations de protection animale reconnues d’utilité publique à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de l’article 521-1 du code pénal, qui porte un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu’elles ont pour objectif de défendre : ces associations ne sont recevables à agir qu’en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie ou à la santé d’un animal (Crim., 22 Mai 2007, BC, n°133).
  1. Les peines.
Les sévices graves ou de nature sexuelle et les actes de cruauté envers les animaux ainsi que les formes dérivées de cette incrimination, tombent sous le coup d’une amende de 30 000 euros et d’un emprisonnement de 2 ans.

L’article 521-1, al.2, prévoit en outre qu’en cas de condamnation le tribunal peut, à titre de peine complémentaire, interdire la détention d’un animal, à titre définitif ou non.

Cependant 2 précisions complémentaires doivent être encore données ici :

-d’une part, les peines de l’article 521-1 du code pénal ne s’appliquent qu’à ceux qui ont personnellement exercé les sévices ou commis les actes de cruauté. Ceux auxquels aucune participation personnelle ne peut être imputée, fussent-ils investis de responsabilités de direction, ne peuvent tomber sous le coup des dispositions répressives (Crim., 18 février 1987, B.C., n°81 : en l’occurrence, l’infraction avait été commise par le personnel d’exécution d’un abattoir dont les dirigeants étaient restés passifs. La solution eût sûrement été différente à propos d’autres infractions, par exemple en matière d’hygiène et de sécurité. Cette solution de la Cour de Cassation s’explique toutefois en raison de l’élément intentionnel, très spécifique du délit de l’article 521-1 du code pénal).

-d’autre part, aucune responsabilité pénale des personnes morales n’avait été prévue par le législateur au sujet de l’article 521-1 du code pénal Si cette solution pouvait paraître explicable à propos de la forme principale du délit consistant dans la commission de sévices et d’actes de cruauté, elle paraît plus discutable au sujet de l’article 521-2 du code pénal qui étend la répression au fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sans se conformer aux dispositions des articles R.214-87 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
Il est en effet tout à fait concevable que les infractions aux règles posées par ces textes procèdent de choix plus ou moins délibérés et arrêtés par les laboratoires eux-mêmes.
La disparition du principe de spécialité de la responsabilité pénale des personnes morales consécutive à la loi 2004-204 du 9 Mars 2004 met ici un terme à cette anomalie.
 
  1. Les justifications de l’infraction.
  1. La nécessité.
Jusqu’à un passé récent, l’article 521-1 du code pénal qui définit le délit de sévices graves ou de nature sexuelle et les actes de cruauté ne trouvait matière à s’appliquer que si les agissements avaient été commis sans nécessité.

Cette formule réservait ainsi le cas où des actes violents, voire objectivement cruels, pouvaient être accomplis envers des animaux qui menaçaient ou agressaient autrui…Plus généralement, elle neutralisait la répression toutes les fois que l’acte violent qui fait souffrir l’animal se trouve justifié quelquefois dans l’intérêt des animaux eux-mêmes.
Ainsi, l’article 521-1 du code pénal n’a pas à s’appliquer au cultivateur qui s’est trouvé dans la nécessité de tuer d’un coup de fusil un chien entré dans sa propriété pour y dévorer des volailles (Pau, 9 mars 1966).

Il ne s’applique pas d’avantage à l’éleveur qui pratique l’écornage sur de jeunes animaux afin de les empêcher de se blesser mutuellement en stabulation libre (Poitiers, 18 décembre 1964).

En vérité, ces solutions n’ont guère de raison d’être affectées à l’avenir par la disparition de la mention ‘’sans nécessité’’ entraînée par la loi du 6 Janvier 1999.

Inspirée d’ailleurs par l’idée, d’ailleurs contestable, qu’il ne serait jamais nécessaire de faire subir un acte de cruauté à une bête (l’affirmation oublie en effet qu’un acte objectivement cruel, par exemple un coup de fusil, peut être quelquefois la seule façon de se protéger d’un animal devenu dangereux, par exemple chien attaquant une personne. Les juges ne semblent pas d’ailleurs avoir raisonné autrement dans l’affaire de l’ourse Canelle où les poursuites avaient été intentées sur le fondement de l’article L.415-3.1° du code de l’environnement, Pau., 10 septembre 2009), cette modification est en effet sans grande conséquence puisque, de façon générale, l’article 122-7 du code pénal sur l’état de nécessité peut jouer (Brest, janvier 2010, procès Roka où la légitime défense a été naturellement reconnue).

La mention autrefois contenue dans l’article 521-1 du code pénal mettait l’autorité de poursuite dans l’obligation de prouver les éléments constitutifs de l’infraction et l’absence de nécessité la justifiant.
Sa disparition emporte un retour au droit commun de la preuve concernant les faits justificatifs à savoir que si nécessité il y avait, c’est au prévenu d’en faire la démonstration.
  1. Tradition ininterrompue.
 En vertu de l’article 521-1 al.3 du code pénal, la répression n’est applicable aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée et elle ne l’est pas non plus aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.

Dans les 2 cas de figure visés par ce texte, la permission légale tient lieu de justification à la commission de l’infraction à condition toutefois que les actes en question, qui sont normalement incriminés, procèdent d’une sorte de coutume.

Cette dernière s’entend toutefois différemment suivant qu’il s’agit d’une course de taureaux ou de combats de coqs :
*Concernant les courses de taureaux, l’article 521-1, al.3 du code pénal parle d’une ‘’tradition ininterrompue’’ : les juges en ont déduit que ce texte visait une tradition propre à un ensemble démographique exclusif de toute frontière administrative et qui ne saurait se ramener au seul territoire d’une commune mais qui désigne plutôt une région (Crim., 27 Mai 1972 et Crim., 16 Septembre 1997).

A noter bien sûr que l’existence locale ininterrompue n’est pas démontrée s’il n’est fait état que d’une habitude de quelques années (Nîmes, 2 Décembre 1965).
Quant à l’interruption, les juges décident qu’elle ne saurait résulter d’une circonstance purement accidentelle telle que l’incendie des arènes (Bordeaux, 29 Octobre 1968) ou leur effondrement (Bordeaux, 11 Juillet 1989).

L’interruption de la tradition doit correspondre au contraire à une désuétude née de l’évolution des mœurs et d’un changement des mentalités locales (Bordeaux, 11 Juillet 1989).

A partir de là, la jurisprudence a pu voir une tradition locale ininterrompue concernant la pratique de la corrida dans l’ensemble démographique bordelais ou plus récemment dans la région de Tarascon (Crim., 8 Juin 1994).

*Les combats de coqs : s’agissant des combats de coqs, l’article 521-1, al.3 du code pénal fait état des ‘’localités’’ dans lesquelles ‘’une tradition ininterrompue peut être établie’’.
Très proche du cas de la course de taureaux, la formule suscite les mêmes commentaires à 2 nuances près :
   -d’une part, la tradition ininterrompue semble pouvoir être établie cette fois à une échelle plus modeste qu’au sujet des courses de taureaux : en effet, dans la mesure où il parle de ‘’localités’’, le législateur prend ici en considération des coutumes qui peuvent certainement être circonscrites à une commune.
   -d’autre part, alors que les courses de taureaux ne sont tolérées que si une tradition ‘’peut être invoquée’’, les combats de coqs le sont dès lors qu’une tradition peut être ‘’établie’’, terme qui évoque davantage la possibilité de faire reconnaître dans l’avenir des traditions locales qui ne le sont pas encore.
Cette interprétation est toutefois formellement contredite par l’article 521-1 al.4 qui réprime spécialement toute création d’un nouveau gallodrome.
 
 §2. Les mauvais traitements.
 
 C'est aujourd'hui l'article R 654-1 du code pénal qui punit ''le fait,sans nécessité,publiquement ou non,d'exercer volontairement des mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité (...)''.

Ce texte appelle 3 brèves séries d'observations sur les composantes,la répression et les justifications de l'infraction.

 A. Les composantes de l'infraction.


Comme le délit de l'article 521-1 du code pénal,la contravention de mauvais traitement définie par l'article R654-1 du code pénal ne se conçoit qu'à l'égard d'un animal domestique,ou apprivoisé ou tenu en captivité.
On va s'en tenir ici à quelques remarques concernant l'élément matériel te l'élément moral de l'infraction.

 1. L'élément matériel.

 Matériellement, la contravention de l'article R654-1 du code pénal suppose des mauvais traitements, c'est-à-dire des violences ou un défaut de soins ou d'aliments préjudiciable à l'animal.
Toutefois,les actes en question ne doivent pas être empreints d'une cruauté particulière car ils constitueraient alors des sévices graves au sens de l'article 521-1 du code pénal et exposeraient leurs auteurs aux peines correctionnelles prévues par ce texte



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